interview Benighted
mars 2014
Avoir la chance d'aller écouter Benighted et Loudblast dans une « vraie » salle de concert, déjà, c'est bien. Avoir eu auparavant le plaisir de rencontrer Olivier, le gratteux de Benighted tout juste sorti des balances, c'est encore mieux !

Et pas regardant, le mec, bien que je sois arrivée pour l'interview flanquée de mes trois lardons et grippée. Instit à la ville (oui, on a un peu de mal à le croire quand on le voit sur scène), il ne s'est formalisé de rien. Un entretien en toute convivialité, rythmé par les allées et venues (pas du tout désagréables) des autres membres du groupe et du staff, dans les coulisses de la salle.

Compte-tenu de l'assise musicale de Benighted, je pensais un peu tomber sur un type pressé et pas forcément enclin à accorder du temps à une Cultiste. Oh comme je suis stupidement bourrée d'apriori ! J'ai eu face à moi un mec bien, posé, bavard selon ses propres dires (grand-bien nous fasse !) et toujours plein de passion et d'engouement quand il s'agit de parler de bonne musique !

Le set ce soir-là fut à la hauteur de mes attentes : absolument génial. Tant de force et de brutalité primaire, une salle transportée, des musiciens bien barrés, une vraie connexion... bref, tous les ingrédients pour un concert réussi. Merci, merci les gars !
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Kirseth : Il reste encore quelques dates après Poitiers, ça s'est bien passé jusqu'ici ?
Olivier : Oui, très bien ! C'est vrai que c'est bientôt la fin. On est bien motivé : à Nantes c'était super, à Bourges terrible et à Lyon la salle était blindée.

K : Votre meilleure et pire expérience lors d'une tournée ?
O : Le pire : j'en ai un qui me vient tout de suite à l'esprit, c'était lors d'une tournée avec Aborted, qui a fini avec un aller-retour aux urgences, parce qu'on s'était retrouvé ensemble sur un titre et Sven, le chanteur d'Aborted, s'est pris la basse d'Eric en pleine gueule, arcade pétée... sur cette même tournée, on a eu plein de problèmes de matos, les pédales hs, ma guitare pareil -obligé de prendre une spare-... enfin, on en rigole maintenant, mais sur le coup, pas trop.

Le meilleur : c'est bien plus difficile, on a énormément de bons souvenirs, il y a eu un super final une fois à Paris, et puis des très bons délires aux différents Hellfest aussi.


K : Comment vous voyez-vous perdurer, avec une musique de niche comme le brutal death, à l'époque du ready made et du tout-jetable ? Ou alors allez-vous évoluer de plus en plus vers un genre plus coreux, comme on peut en percevoir les élans dans un titre comme « Collection Of Dead Portraits » ? Qu'est-ce qui, selon toi, imprimera le « style Benighted » ?
O : Principalement, notre moteur, c'est la passion, on vit par les gens qu'on aime, avec eux aussi . Les line-up n'ont eu lieu que pour du mieux. Alors oui, le dernier album colle un peu plus au hardcore, avec plus de grind aussi.
À vrai dire, on ne se pose pas de limites musicales : on mélange plein de trucs, de tous les styles, de tous horizons. On pratique une réelle ouverture d'esprit de ce côté là !
C'est peut-être ça, notre style à nous comme tu dis !


K : Parle-moi de la pochette de Carnivore Sublime !
O : C'est Sven d'Aborted qui l'a dessinée. On la voulait en adéquation avec les textes de l'album, le mal, la psychopathologie. Quelque chose qui dérange un peu aussi, avec la femme allaitante, un symbole fort d'humanité, mais entachée de sang. Rien de très choquant, mais qui soulève des questions, quoi.

K : 8 albums en 14 ans, dont le petit dernier sorti en février, Carnivore Sublime, - qui est une totale tuerie à mon avis - intense et ultra-efficace. Vous semblez constants dans votre volonté (et réussite !) de sortir des albums d'une qualité irréprochable et qui ne se ressemblent pas (bien qu'il y ait un fil rouge sur les thématiques), alors que tant de groupes peinent à faire un travail équilibré au fil des années. Alors, c'est quoi votre secret ?
(rires)
O : On s'est énormément amélioré en ce qui concerne la structure de morceaux, sur le song-writing aussi. On bosse dur!
Après Asylum, on s'est demandé où aller. On avait besoin d'une nouvelle dynamique, un feeling différent de ce qu'on avait produit jusque-là. On a composé et joué plus dans l'émotion, le frisson, avec un retour au black aussi.
On a vraiment énormément travaillé, c'est sûr !


K : Les différents changements de line-up, tu les évoquais tout à l'heure, et de labels se sont faits dans quelle ambiance ? Comment a été l'adaptation, tant pour les nouveaux que pour les anciens ?
O : Ces dernières années, on a été de plus en plus sollicités, donc les départs ne se sont pas fait à cause d'une mauvaise entente, mais pour des raisons personnelles et familiales, des naissances notamment... Pour ce qui est des nouveaux arrivants, ils sont plus jeunes, pour nous c'est un peu comme des petits frères en fait ! Tout se fait dans la bonne humeur.

En ce qui concerne les labels, on a raisonné en terme de rayonnement. On a signé avec ceux qui, à notre idée, étaient le plus capables de promouvoir notre musique, ceux qui avaient un impact sur la scène internationale. Bon et puis, tout bêtement, ceux avec lesquels il y avait la meilleure entente aussi !

K : Les supports média actuels (facebook pour la promo, spotify pour l'écoute...) vous sont-elles d'une réelle aide ou est-ce juste du bonus ?
O : Ah oui, ça aide, on ne peut pas le nier. Il y a une incidence certaine. Cependant, on prend soin de mélanger tous les supports, presse écrite, radio, web... Il faut toucher le plus de gens. Ça prend du temps tout ça !

K : Vous jouez au Hellfest cette année (pour la 4ème fois!)... Ça fait quoi ? Pression ou un concert comme les autres ?
O : Pression ? Nooon ! (rires) On est pas blasés hein, mais on a l'habitude. Et puis, le plus gros plaisir du Hellfest, c'est de retrouver les potes. Les autres groupes qu'on ne croise pas souvent. De tous être au même endroit pour trois jours, c'est génial ! (ndlr : imagine pour nous, du coup !).
Et musicalement, on est pas très mainstage, nous (re-rires). Plutôt Temple et Altar !

K : Parmi les 120 000 visiteurs attendus pour cet été au Hellfest, la plupart viennent finalement voir les groupes mainstream, et bien que ceux-ci drainent du coup le public vers des styles plus extrêmes, ces musiques-là ne sont pas, pour une majorité de visiteurs, la raison de leur venue. Pourquoi, à ton avis, le métal reste-t-il une musique incomprise ?
O : On vit vraiment dans un pays de gros nazes pour ce qui est de la musique ! Il y a un défaut de culture rock immense. C'est là qu'un truc comme le Hellfest a du poids, pour faire parler massivement du métal, de la musique.
Mais en France, on reste des incompris, contrairement aux pays à culture plus nordique, comme l'Allemagne, les pays scandinaves, où le métal fait partie du quotidien et ne choque personne, c'est pris au sérieux.
Ici, on préfère parler des choses qui se passent mal, du sensationnel, pas de la musique en elle-même.


K : Avec une initiative, somme toute au départ à forte vocation marketing, le création du Hellfest Cult te semble-t-elle utile pour porter le métal ? Et est-ce une bonne chose de faire la promotion du métal  ?
O : Vous faites de la pub pour le Hellfest, et pour toutes les musiques extrêmes par extension, en portant vos t-shirts, en allant de l'avant, auprès de vos proches, lors des concerts et ça, c'est super cool. J'aime le côté « collectif ».
Donc oui à la promotion du métal, oui c'est une bonne chose, parce que la musique c'est fait pour être écouté, je suis pas pour cet aspect underground, le côté communautaire -au sens péjoratif - ça me donne la gerbe ! Je suis énervé quand je vois des événements musicaux ou des manifestations artistiques élitistes, écoutés par trois péquins et qui sont malgré tout subventionnés par les collectivités.
Il est temps de donner une autre image du métal, de partager la soif de découvrir autre chose.


K : Une petite question subsidiaire, Olivier : si tu ne devais écouter plus qu'un seul morceau pour le reste de ta vie, là, toute de suite, maintenant, ça serait quoi ?
O : Alors, ça serait « Love hurts » de Incubus. C'est pas du tout dans le style métal, mais c'est un morceau que j'aime depuis longtemps, que je garde toujours sur ma playlist.
(je vous laisse écouter ICI, c'est, hum, comment dire... surprenant !)

K : Pour finir, un message pour les Cultistes ?
O : Rendez-vous à l'Altar samedi matin très tôt, et venez nous alpaguer pour une binouze !
(Hell yeah !!, ndlr)

Alexis (basse), Kevin (batterie), Kirseth (Hellfest Cult), Julien (chant), Olivier (guitare), Adrien (guitare)